DES LARMES COMME DES BANANES

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LES PERSONNAGES


UN IMMENSE VIVIER

La Grande Cité n'est pas qu'une toile de fond, c'est avant tout un immense vivier grouillant d'individus sur lesquels, l'un après l'autre, sergeDEFT braque le faisceau d'une lumière crue pour suivre leurs agissements à travers une grosse loupe ronde.

Cet intérêt inquisiteur n'est pas réservé qu'aux principaux protagonistes, parfois - sans prévenir et au hasard, du moins en apparence - l'auteur s'intéresse, dans la kyrielle de "figurants", à l'un d'eux que l'on suit un peu avant qu'il ne disparaisse à nouveau dans la masse des gens, aussi rapidement qu'il en avait été extrait.

sergeDEFT inventorie "gentiment" les travers de ses personnages. Un simple constat, impartial, comme un documentaliste appliqué enregistre sans méchanceté ni complaisance une suite d'agissements troublants, d'anecdotes obliques et en fait au final un catalogue tordu et indécent qu'on feuillette avec la peur de découvrir un peu de soi. Cette observation détachée, teintée de moquerie tout au plus, est la conséquence du fatalisme désabusé de cet écrivain dans sa propre vie face aux imprévisibilités de l'existence et aux coups du sort.

Au final, DEFT nous trimbale, page après page, autant dans La Grande Cité que dans les déviances de ses personnages et dans les méandres de leurs complexités.


MAX, membre des forces de l'Ordre

Ko : Dans DES LARMES COMME DES BANANES, vous utilisez régulièrement des termes cinématographiques, alors je vous propose de nous parler de vos personnages dans l'ordre d'apparition "à l'écran". Max, agent de police, matricule 76/06, est donc le premier.

sergeDEFT : Ouais, mais c'est loin d'être le plus intéressant. C'est le coéquipier de Jo, un "second rôle" dans l'ombre de son chef. Il est comme son teint, pâlot, mais j'aime beaucoup son allure physique, sa tête de loup famélique et ses grandes jambes. C'est un type sans opinions qui se contente d'être d'accord avec toutes les stupidités que son supérieur peut débiter. Je ne me souviens pas lui avoir prêté une seule pensée, lui avoir fait émettre une opinion personnelle, une réflexion quelconque. C'est un homme "creux".

Ce qui m'a plu par contre, c'est de traiter par les "p'tits films libidineux" qui défilent en permanence dans sa tête, le fait que l'on ne sait jamais ce que pense l'autre - l'autre pouvant aussi bien être un ami, un collègue de boulot, un voisin ou la personne avec laquelle on partage sa vie tous les jours - C'est une chose qui m'intéresse, la part de secret de l'autre, les idées tordues, les fantasmes, l'imagination qui s'emballe. Toutes les dérives sont possibles puisqu'elles sont insoupçonnables et cela représente comme une forme de mensonge vis-à-vis de la personne qui est devant vous. Quelles sont vos pensées maintenant ? Les miennes, quoique vous pouvez vous en douter à la manière dont je n'arrive pas à décoller mon regard de votre décolleté.

Je ne vois pas quoi dire d'autre sur Max.


JO, chef de patrouille

Ko : Jo, le sergent, apparaît rapidement.

sergeDEFT : Ah là, le bonhomme est plus étoffé et je ne parle pas de sa corpulence. A mes yeux, c'est aussi un minable comme Max. C'est un homme totalement machiste et homophobe. Il représente la pensée basique masculine. Le quasi-monologue sur ses solutions afin de calmer les mâles est une énormité.

Il a des idées tout aussi tordues que celles des maniaques et détraqués qu'il voudrait coincer. Son délire verbal s'achevant dans un paroxysme hallucinant avec la punition qu'il réserve au premier dégénéré qui lui tombera entre les mains.

A l'inverse de Max, Jo par contre pense. Jo réfléchit beaucoup à sa fonction de flic de La Grande Cité. Cela m'a permis d'évoquer le doute chez des individus, le questionnement sur l'utilité de son travail après des années d'exercice de celui-ci. J'ai rencontré très souvent des personnes ayant toujours fait au mieux, ayant tout donné pour ce qu'ils pensaient être "la marche à suivre" et qui se retrouvent avec le temps quelque peu désabusés et même pour certains, écœurés. Et cela, autant chez l'ouvrier que chez le businessman entreprenant qui s'aperçoit qu'il est passé à coté de plein de choses.

Pour Jo, il devient donc indispensable de faire rapidement un exemple, d'apporter enfin sa contribution à ce pour quoi il avait été engagé il y a de nombreuses années, sinon sa vie lui semblerait être un échec. L'obligation de réussite pour se sentir au moins une fois utile. D'avoir servi à quelque chose ici-bas. Si j'avais été un autre écrivain, j'aurais développé aussi : avons-nous tous vraiment une mission à accomplir sur cette terre ?


EVA PANZER, un travesti

Ko : Tandis que Jo et Max circulent sur le Maelström, il y a en arrière-plan un défilé permanent de "figurants" qui nous permet de découvrir tous les métiers spécifiques et inhérents à la vie nocturne des Quartiers Nord. Parmi tous ces gens en filigrane le long du boulevard, se détachent quelques personnages hauts en couleur. Eva Panzer a ainsi "un petit rôle", très court mais bien "visible". C'est ce qu'on appelle dans un film, une silhouette.

sergeDEFT : Eva Panzer est aussi une "silhouette" par sa plastique...

La voiture de patrouille passe à présent devant un petit club à la façade borgne couverte de tags aux calligraphies tortueuses.


Il y a un pilastre de chaque côté de la lourde porte d'entrée en métal boulonné avec une unique loupiote faiblarde juste au-dessus.


Ça joue très fort dedans.


Guitares cinglantes balançant un rock'n'roll hargneux et primitif.


Un travesti à perruque argentée au corps sublime de latex noir,


connu sous le nom d'Eva Panzer,


est venu appuyer une épaule sur l'un des piliers pour fumer une cigarette,


attirant à peine le regard des passants.

STEFANI CHI CHI

Une autre "silhouette" du boulevard.

Sur le trottoir d'en face, fausses chevelures ondoyantes et fond de teint en couche épaisse, souvent pour dissimuler des tavelures rebutantes, un cercle d'une dizaine de travestis dans la lumière d'un réverbère entoure la grosse boule blonde de cheveux crêpés de la perruque de Stefani Chi Chi qui tranche avec sa peau très noire. SPLENDIDE, en peignoir et culotte de soie violine, grande bouche pulpeuse lilas, des yeux vert émeraude pétillants comme un soda agité, elle doit raconter aux autres, avec force détails, les prouesses d'un nouvel amant de cœur imaginaire en faisant tourner au bout de ses doigts sa paire de lunettes de soleil à monture blanche en forme d'ailes de papillon.

Ko : Il y a beaucoup de travestis qui arpentent les trottoirs des Quartiers Nord ?

sergeDEFT : Oui. Ce n'est pas la première fois qu'on me le fait remarquer. Il faut que j'en parle de toute urgence à mon psy.


EDDY GUSTY, votre guide dans ce site

Autre figure incontournable de l'animation du Maelström, Eddy Gusty avec sa tchatche inépuisable (Gusty en anglais : vent en rafales), alpague le touriste solitaire et les gogos en goguette pour les faire entrer dans les boîtes de strip-tease, les peep-shows et les salons de massage.

Contactez Thomas B Contactez Chrishardy La grosse pogne d'Eddy

sergeDEFT : Eddy est une gueule ,comme on dit au cinéma, le genre de type dont on se souvient. Rien que sa grosse pogne. Regardez ces doigts boudinés cisaillés par des bagouzes énormes. Une main pareille ça ne peut pas s'oublier !


SENTENZA, le chaman (la première apparition)

Personnage inquiétant s'il en est, Sentenza "passe" une première fois rapidement à la fin d'un chapitre consacré aux gens du Maelström :

(Sentenza est) un individu au visage anguleux qui longe toujours les murs, comme s'il cherchait expressément à se confondre avec la brique. C'est une sorte de sorcier qui circule toujours avec autour du cou des têtes de poupées attachées par les cheveux avec des trous noirs à la place des yeux, des colliers d'amulettes et des chapelets de petits os s'entrechoquant sur le torse, capable, parait-il, de jeter des sorts ou rôdant peut-être par ici à la recherche d'un élu pour un grand rituel funèbre en sous-sol.

Retrouvez Sentenza plus longuement dans SENTENZA (Intermezzo)


GEORGES

(...) au fond d'un couloir sombre d'hôtel minable, un homme aux cheveux blanchis est prostré sur une chaise bancale.

Ko : Réceptionniste de nuit dans un hôtel abritant les pires agissements ( lire Double K ), Georges est taraudé par un événement qui a bouleversé le cours de son existence il y a plusieurs années et qui l'empêche d'envisager toute possibilité d'avenir. Les traitements médicamenteux restent inefficaces et tout indique qu'il vit un enfer. L'homme va jusqu'à se couper de la réalité qui l'entoure en portant de curieuses lunettes aux verres très foncés. Cette souffrance intérieure insoutenable crée rapidement un malaise chez le lecteur. On peut même penser que vous avez glissé dans ce personnage une bonne part d'expérience personnelle, de vécu douloureux, tant certaines phrases semblent être de véritables cauchemars intimes. On quitte avec Georges votre fiction débridée habituelle pour la sensibilité exacerbée, "une littérature des cicatrices"...

sergeDEFT : Littérature des blessures plutôt. Des plaies qui ne cicatrisent pas, qui ne cicatriseront jamais. De celles qui vous réveillent au milieu de la nuit. Oui, ce personnage est le plus proche de moi.

Ko : Puisque vous me confirmez certaines similitudes avec cet homme abîmé par la vie, je m'inquiète de l'issue que vous donnez à son histoire. Il disparaît du roman au moment où il vient de prendre une décision qui pour lui est la seule façon d'en finir avec ce qui le torture depuis si longtemps. Il retourne retrouver son passé et on sait qu'un drame va se produire. Inévitable.

sergeDEFT : Oui, et alors ?


DOUBLE K ou l'indicible horreur

sergeDEFT : Je ne sais pas si l'on peut hiérarchiser les abominations dont sont capables les hommes, mais pour moi, la pédophilie est le crime le plus odieux. Lorsque vous écrivez, vous devez vous mettre dans "la peau d'un personnage" pour mieux décrire ses actes. Pour Double K, le fait d'avoir eu "à penser comme lui" pendant quelques jours a été une véritable épreuve. Même si vous n'êtes là que pour "traduire" ce que pense un personnage en regardant sa petite victime monter l'escalier devant lui, on ne tape pas facilement sur son clavier une phrase comme :

C'est le corps d'une jeune fille déjà majeure mais en modèle réduit, innocente, avec des jambes de poupées, de gracieuses courbes courant de ses épaules étroites à son petit derrière tout rond.

Ko : Double K est bien plus qu'une "silhouette" dans la foule du Maelström. On le sait dès que Jo repère depuis la voiture de patrouille cet homme sur le trottoir, dès que leurs regards se croisent... Sa présence sur le boulevard avec cette gamine qu'il tient par la main va avoir une incidence sur le déroulement futur du récit.

sergeDEFT : Oui, le fait que Double K échappe à la surveillance du policier finira de forger la détermination de celui-ci à "S'EN COINCER RIEN QU'UN !" Lire PITCH.

Ko : Le sergent est immédiatement persuadé que l'homme est malfaisant mais, si le lecteur en a vite confirmation "en suivant" Double K jusqu'à l'hôtel, il est à noter que Jo n'en aura jamais aucune preuve.

sergeDEFT : En effet et je suis content que vous releviez cette nuance. Même s' il s'agit d'une horrifiante réalité, c'est en effet sur une certitude non fondée que le policier va finir par agir un peu plus tard.

Ko : Double K est un curieux sobriquet...

sergeDEFT : Double K est en référence aux deux k du véritable nom de ce personnage : Van Kuijk. Ce nom est le vrai patronyme de celui qui se faisait appeler le Colonel Parker et fut le terrible impresario qui bousilla la carrière musicale d'Elvis au profit de films très mièvres. En faire un être méprisable était pour moi une manière déguisée de "le montrer du doigt".

Ko : Ce personnage est rendu encore plus effrayant par votre façon de morceler le récit en chapitres très courts. De sa première apparition sur le boulevard au milieu de la foule, jusqu'à la chambre de l'hôtel sordide, à chaque fois que l'on revient à lui, on s'angoisse à l'idée de découvrir la suite, on craint d'être soudainement confronté à un acte des plus abominables.

sergeDEFT : La correctrice (un ange) qui a travaillé sur DES LARMES COMME DES BANANES m'a confié que les passages où il est question de cet individu l'avaient mis mal à l'aise. Beaucoup de gens m'ont dit avoir éprouvé comme elle un trouble similaire à la lecture de ces chapitres.

Ko : Pourtant rien n'est décrit.

sergeDEFT : L'ellipse finale s'est imposée. Je n'ai pas cherché à faire un effet particulier. Il m'aurait été impossible de raconter en détail. De nombreux lecteurs m'ont dit avoir apprécié "le coup du gobelet en plastique". Je n'avais encore une fois, pas établi de plan. Je le répète : il m'aurait été simplement impossible de raconter en détail.


MOKA KICARAGUA

Une prostituée bien bien en chair, aux aisselles toutes moites et au ventre mou. En venant frétiller comme une danseuse de carnaval à côté de la voiture de police, elle attire pendant quelques instants l'attention de Jo et permet à Double K d'échapper à la vigilance du chef de patrouille.

Ko : DES LARMES COMME DES BANANES est une suite de petits faits, un enchaînement continuel de hasards qui, en s'accumulant, amèneront peu à peu les deux représentants de l'ordre à une intervention violente dans un palace du Front de Mer. Les répercussions aléatoires sont une constance de vos écrits - Lire à ce sujet : L'imprévu et le malentendu. Le comportement exubérant de la prostituée est avant tout futile, mais cet acte, bien que fugace, contribue pleinement à ce processus. En cela, Moka Kicaragua, personnage pourtant très secondaire, devient malgré elle un facteur de cette ligne narrative qui repose presque intégralement sur des concours de circonstances.

sergeDEFT : La vie de tous les jours est aussi une interaction permanente entre les gens, les influençant "l'air de rien", modelant leurs conduites et entraînant des effets en cascade.
Non ?... Vous r'voulez du café ?




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Eddy Gusty

PAM PAM, la jeune prostituée

Ko : Pam Pam est le premier personnage à apparaître dans la seconde partie de DES LARMES COMME DES BANANES. C'est une jeune fille (Quatorze, quinze ans ? Moins.) d'une grande beauté. Vous en faites d'ailleurs une description totalement dithyrambique. Les deux policiers en patrouille qui l'aperçoivent sont immédiatement sous son charme et on peut imaginer que le lecteur mâle aussi. Mais la "vision" quasi-extatique est brutalement rompue puisqu'on découvre rapidement qu'il s'agit d'une prostituée, je serais tentée de dire, "une banale prostituée".

Lire en complément : REPRESENTATION DE LA FEMME CHEZ sergeDEFT

sergeDEFT : "L'apparition" de Pam Pam reste de l'ordre du fantasme. et comme dans toutes les rêveries, la réalité reprend souvent brusquement le pas sur les dérives de l'imagination. Si au départ j'idolâtre cette môme, c'est pour exciter le lecteur mâle, comme vous dites. Il se crée alors dans sa tête des images où il intègre sa propre expérience. Il porte le même regard sur Pam Pam que les deux flics. Je le souhaite tout au moins. Il se remémore éventuellement une fille croisée l'après-midi même dans un parking ou au rayon shampoing et gel douche d'un hypermarché. Même si je ne me souviens pas avoir personnellement croisé un jour dans ce genre d'endroit une jeune femme en robe de taffetas moiré.


LUIS, l'aventurier plein aux as

On découvre Luis alors qu'il arrive avec la jeune Pam Pam dans un palace du Front de Mer. L'homme revient dans La Grande Cité avec une fortune colossale et une envie effrénée de prendre du bon temps (alcool, drogue, sexe - et musique sélectionnée). Mais un grand affolement généralisé de la clientèle et du personnel hôtelier - dont on laissera au lecteur découvrir la cause - précipitera d'une façon brutale son destin.

Ko : Lorsque les policiers seront appelés à intervenir, Jo, le chef de patrouille, va se laisser fourvoyer, non sans astuce et complaisance, par les premiers témoignages recueillis, trouvant enfin une raison d'appliquer les méthodes "énergiques" qu'il préconise. C'est sur une méprise qui le sert bien, que le sergent agira. Une nouvelle fois "vous faussez la réalité". Le personnage de Luis est aussi la "victime" de l'une de vos idées les plus récurrentes - Lire ou relire à ce sujet : L'imprévu et le malentendu.

sergeDEFT : Vous savez, dans la vraie vie, des opinions se forgent et des décisions sont prises aussi très souvent sur la base d'informations erronées ou de racontars, de on-dit et de parait-il. Cela peut bouleverser des existences et avoir comme dans le cas de Luis des conséquences irréversibles.

Ko : Il est l'homme en fin de chaîne, celui qui a le malheur d'être là à l'endroit où il ne faut pas. Il se trouve être "l'exemple" que cherchait Jo - je serais presque tentée d'ajouter, providentiel. Toutefois, avec ce que vous nous dites sur le passé récent de ce personnage, on sait que ce n'est pas quelqu'un de totalement irréprochable.

sergeDEFT : Ne pas être totalement irréprochable, et je sais de quoi je parle, vous rend indéfendable. Il y a alors des gens qui vous enfoncent, par intérêt personnel, avançant ainsi leurs pions. Mais le plus douloureux est de se rendre compte comment ceux que vous aimez, arrivent avec le temps à se persuader sur votre compte, jusqu'à perdre toute objectivité, afin d'aménager leur "petit confort moral", et ne plus voir en vous qu'une bête noire. Mais revenons à Luis. Il paie avant tout pour sa mauvaise réputation. "L'affaire" est d'ailleurs vite expédiée ; quelques mots échangés avec un vieux politicien dans le hall de l'hôtel - Lire Le sénateur - suffiront à Jo pour se sentir autorisé à mener l'action dont il rêve.

Ko : Luis était, de toute façon, un personnage "condamné" d'avance. On apprend qu'une vieille âme blessée réclame aussi la mort de l'aventurier, en réparation de tombeaux pillés à l'autre bout du monde, et qu'un chaman très inquiétant - Lire Sentenza (intermezzo) - a enclenché un mécanisme visant à une sanction capitale.

sergeDEFT : En effet, j'ai laissé peu de chance à ce personnage de sortir vivant de ce récit entre ce sorcier un peu givré et ce flic dérangé, investi d'une "mission" de nettoyage de La Grande Cité.

Ko : L'intervention du chaman va contribuer elle aussi à ce que Luis finisse par croiser l'itinéraire, disons aléatoire, de ce policier à la recherche d'un exemple. On revient à ce thème des conséquences, très présent chez vous, que l'on évoquait déjà tout à l'heure avec le personnage de Moka Kicaragua. Un engrenage de faits isolés qui amène peu à peu à une situation inéluctable.

sergeDEFT : Si vous le dites.


EDMOND ZEPHIR, LE DIRECTEUR DU PALACE

Les deux éléments qui resteront de ce personnage, dans l'esprit du lecteur à la fin de DES LARMES COMME DES BANANES, sont assurément son allure étonnante d'échassier et une pratique sexuelle toute particulière (que nous vous laissons découvrir).

sergeDEFT : C'est vrai qu'avec lui, j'ai laissé filer.

Ko : C'est en cela, même s'il ne fait que "passer" dans le roman, que l'on se souviendra de lui le livre terminé.

sergeDEFT : Oui, je pense (cela le fait sourire). Enfin, je l'espère.

Ko : Comme d'autres de vos personnages (Max par exemple, avec ses pensées érotiques envahissantes, Sentenza avec une seconde activité, secrète et surprenante - lire dans BANANA KR-OUUPPS !!! la discussion autour de "la part de secret de l'autre"), cet étonnant directeur de palace cache lui aussi "quelque chose" ; une habitude que je qualifierais de très spécifique.

sergeDEFT : Oui, c'est assez particulier en effet, mais tout compte fait peut-être pas si exceptionnel, il faudrait demander autour de soi. Mais ce qui m'intéressait surtout, c'était, derrière un statut de responsable d'un lieu sélect, le comportement "déviant" (sergeDEFT dessine des guillemets dans l'air) de cet homme.

Ko : Il y a aussi une ambivalence au niveau professionnel dans sa façon d'accueillir le "couple" formé par Luis et Pam Pam.

sergeDEFT : Tout à fait. Son comportement derrière le comptoir de la réception traduit bien l'hypocrisie de la société où l'argent peut tout corrompre. Il ignore les manières brutales de l'aventurier et l'allure déplacée de la jeune fille qu'il sait être une prostituée. Il fait comme "si de rien n'était" pour être agréable à un nouveau client fortuné.

Ko : En relatant les agissements de ce personnage, vous exprimez une nouvelle fois votre méfiance vis-à-vis des apparences, l'existence inévitable de simulacres et donc un grand scepticisme envers l'honnêteté dans les relations humaines, qui ne seraient pour vous qu'une sorte de sournoiserie généralisée.

sergeDEFT : Oui. C'est joliment tourné. Imprimez ça.


SENTENZA (Intermezzo)

Il semblerait que Sentenza détienne des pouvoirs terrifiants.

Il peut, quand il le veut, éteindre les étoiles et faire chuter les comètes dans l'Océan allumer de grands incendies. A tout moment la vie dans la mégalopole peut basculer les immeubles s'embraser La Grande Cité tout entière n'être plus qu'un gigantesque brasier.

Après l'avoir aperçu subrepticement rôdant sur le Maelström, - Lire SENTENZA(la première apparition) - on retrouve le personnage de Sentenza lors d'une grande messe sauvage où on assistera à une transe impressionnante (et complètement délirante) au cours de laquelle il sera investi d'une mission vengeresse.

C'est un prince lugubre. Un valet des forces de la nuit - il est la beauté armée lâchée sur la ville - aux déplacements souples et onduleux, TERRIFIANT COMME L'ACTE QUI DONNE LA MORT.

Le personnage de Sentenza, malgré tout, réserve une surprise au lecteur...


SENTENZA, un personnage à part

Ko : Sentenza est un personnage à part puisque de nombreuses pages lui sont - soudainement - consacrées sous forme d'une longue digression, une histoire dans l'histoire, une extravagance supplémentaire déstructurant un peu plus encore la linéarité fictionnelle de DES LARMES COMME DES BANANES et désorientant une nouvelle fois le lecteur.

Nous l'évoquions dans SENTENZA(Intermezzo), on retrouve l'inquiétant sorcier au moment où son esprit entre en communication avec une très vieille âme blessée qui demande réparation, puis on le suit pour une visite mémorable chez BANANA KR-OUUPPS !!!

Toute cette partie constitue un récit sur l'affolement des sens et les glissements psychiques qui abondent en représentations visuelles et délires sans retenue. C'est un intermède en dérapage total. On sent que vous vous êtes fait plaisir.

sergeDEFT : Oui, je me suis beaucoup amusé en écrivant ça. Sentenza est un personnage vraiment hors-normes qui méritait un traitement privilégié. Mais je voulais aussi à travers lui, rendre un hommage à l'acteur américain Lee Van Cleef et à son rôle dans un film de Sergio Leone - Sentenza (littéralement la sentence). C'est l'un des trois principaux protagonistes de ce célèbre western du réalisateur italien Le bon, la brute et le truand (1966). J'ai donné toutes les caractéristiques physiques et l'allure menaçante de ce comédien à "mon" Sentenza. C'était ma façon de me souvenir de cette époque de mon adolescence où j'ai vu beaucoup de productions spaghetti.

Le dessinateur de BD, Morris, avait caricaturé Lee Van Cleef dans l'un des albums de Lucky Luke (Chasseurs de primes - 1972). L'acteur a inspiré également le personnage de Revolver Ocelot dans le jeu vidéo Metal Gear Solid.

J'aime ce cinéma-là, avec ses personnages aux visages singuliers ou aux faciès patibulaires. Cela a indéniablement influencé mon imaginaire actuel. C'est incroyable tous ces types qui finissent par se faire trouer la peau de plusieurs balles en faisant des tours entiers sur eux-mêmes, pulvérisant au passage des fenêtres en projetant du verre partout, ou traversant des cloisons en bois avant d'aller s'écraser dans la poussière au milieu de la rue pour mourir dans un dernier sursaut. John Woo ou Tarantino perpétuent ce genre de cinéma.


BANANA KR-OUUPPS !!!

De son nom complet FRÄULEIN DORA BANANA KR-OUUPPS !!!, elle est certainement l'un des "rôles" les plus loufoques imaginés par sergeDEFT dans sa vision toujours fortement filmique et spectaculaire de l'action.

Indissociable de Sentenza le chaman, avec lequel elle partage une bonne partie d'un "encart" au sein de DES LARMES COMME DES BANANES - Lire à ce sujet le début de SENTENZA, un personnage à part -, elle est décrite comme


TROP BELLE
TROP PARFAITE POUR ÊTRE VRAIE.



Moitié prêtresse vaudou, moitié guerrière :

C'est une véritable reine à la peau couleur d'ébène, l'archétype de la beauté tropicale, habillée en fille de la jungle.

Un peu plus loin :

Une plantureuse divinité sur sandales aux talons vertigineux et semelles compensées, lanières fines s'enroulant sur la cheville et le mollet, impressionnante comme un totem, un totem de chair palpitante à faire dresser les sagaies.

Avec BANANA KR-OUUPPS !!!, nous basculons dans une délectable situation outrée, une narration abracadabrante des plus désopilante.

Ses poses incendiaires dans l'encadrement de sa porte d'entrée vont déclencher "l'embrasement" immédiat de Sentenza - on a beau être grand sorcier, on n'en est pas moins homme - et le lecteur suivra alors le crescendo fulgurant de l'instinct primitif subitement attisé, une très intense montée de l'impulsion sexuelle et de l'empressement de passer à l'acte. Cet élan basculera d'ailleurs peu de temps après, dans une agressivité hargneuse tout aussi excessive et hilarante.

Sentenza et BANANA KR-OUUPPS !!! sont des personnages surprenants, en ce sens qu'ils se présentent l'un et l'autre sous des identités et des aspects différents.

Si Sentenza a une seconde activité très éloignée de son statut de chaman et donc totalement impossible à deviner, BANANA KR-OUUPPS !!!, quant à elle, se dédouble physiquement, se présentant dans des corps distincts devant les yeux du sorcier.

Ko : Vous évoquiez, avec le personnage de Max, votre intérêt pour "la part de secret de l'autre". Si avec le policier, vous abordiez ce qui se passe dans la tête des gens, avec Sentenza et BANANA KR-OUUPPS !!! vous vous intéressez aux vies parallèles mais on retrouve le même intérêt - une suspicion de choses tues -, qu'il s'agisse des zones d'ombre de la pensée ou de l'existence d'activités cachées.

sergeDEFT : Une fois encore, l'existence apporte tellement de "surprises". on image souvent bien connaître une personne. comme ici BANANA KR-OUUPPS !!! On pense tout savoir d'elle après qu'elle se soit montrée à côté de son double. Pourtant elle dévoilera encore une autre face de sa personnalité.


ERNESTO BARROCO, le vrai, l'unique !

Méfiez-vous des imitateurs !

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ERNESTO BARROCO (Officialmyspacepage) : http://www.myspace.com/ernestobarroco


LE SENATEUR

Le temps d'un congrès en ville, un politicien et son épouse sont descendus au même hôtel luxueux du Front de MerLuis et Pam Pam arrivent au début de la seconde partie de DES LARMES COMME DES BANANES. Une suite de circonstances improbables (toujours - lire à ce sujet : L'imprévu et le malentendu) vont faire se croiser les deux "couples" dans un couloir et le récit va alors franchement "s'emballer".

Âgé et très affaibli par la maladie, le sénateur semble ne plus être porté que par une avidité de pouvoir restée intacte. Il est à l'évidence plus préoccupé par le discours qu'il doit prononcer cette nuit en clôture de la grande assemblée annuelle de son parti que par le sort de son épouse, prise en otage par un forcené dans les étages du palace.

Il bénéficie de la notoriété et de la façade de respectabilité - toujours l'apparence - que lui octroie son statut d'élu, alors qu'on découvre, par les révélations que sergeDEFT fait sur la vie privée de cet homme, quelqu'un aux mœurs dissolues - le politicien est adepte de pratiques bien "particulières" qu'il assouvit en recourant à des agences spécialisées. Mais c'est surtout le comportement face au viol de sa femme qui est intolérable. Cela semble n'être pour lui qu'un fait contrariant, sans plus. Il reste avant tout obnubilé par son intervention à la tribune du congrès.

Ko : Rongé de l'intérieur et d'une maigreur qui annonce sa fin proche, il s'agira certainement de son ultime discours, d'où l'importance qu'il y attribue, mais cela ne peut pas excuser son détachement face au drame dont est victime son épouse. Vous avez fait de ce vieux monsieur quelqu'un de totalement insensible et dès lors antipathique, pour ne pas dire détestable. C'est votre vision des gens de pouvoir ?

sergeDEFT : C'est plus large. Ce n'est pas une attaque contre les hommes publics ou la classe dirigeante en particulier, même si je pense qu'il faut être armé d'un curieux état d'esprit pour arriver à "s'élever" (sergeDEFT dessine des guillemets dans l'air) jusqu'aux postes les plus convoités. Le sénateur est un exemple plus général des personnes en recherche permanente de reconnaissance. Beaucoup de gens ne vivent que pour ça, une sorte d'addiction au prestige, désireux de toujours présenter aux autres une situation sociale enviable, une réussite éblouissante, où du moins ce qu'ils tiennent pour telle. Ils sont prêts à tout pour donner cette image, n'hésitant pas à imposer un "marche ou crève" à leur entourage, se désintéressant totalement de la vie et des souffrances de leurs proches. Derrière une motivation apparente, toutes leurs "belles" actions sont biaisées, leurs engagements dans une cause ne sont en réalité qu'une quête égoïste d'honneurs. C'est malhonnête chez l'homme politique bien sûr, et c'est tout à fait pathétique chez les "bipèdes profil moyen" qui bombent le torse au premier hommage illusoire, les fiers collectionneurs de médailles en chocolat, les coureurs de réceptions et de cérémonies, tous les pingouins qui veulent être absolument sur la photo.


AGATHE, L'EPOUSE DU SENATEUR

Agathe, l'épouse du sénateur, une septuagénaire, est violée sous la menace d'une arme à feu dans l'une des suites de l'hôtel et sera secourue grâce à l'intervention inexorable de Jo et Max, les deux policiers que l'on a suivis en patrouille dans la première partie du roman.

Au premier regard (celui de Jo), ce qui se passe dans la chambre est très clair et ne peut engendrer d'équivoque ; la femme du politicien est contrainte, un pistolet posé sur la tempe, de faire une fellation à un forcené.

En réalité, sergeDEFT a amené ses personnages à créer un nouvel événement en jouant sur les interprétations de ce qui est "donné à voir". Ainsi, ce n'est pas une pulsion sexuelle (étonnamment) qui motive cette agression. C'est de nouveau une suite de circonstances - pour le moins extravagantes dans le cas présent (on ne peut rien dévoiler de plus ici) - qui est à l'origine de cette situation.

sergeDEFT crée, malgré cette précision, un malaise en développant le glissement rapide de la victime vers le plaisir. Même en sachant que l'intention de l'homme au pistolet n'est pas de satisfaire un instinct de domination (on vous laisse découvrir la véritable raison), et en acceptant donc d'appréhender avec une optique différente ce passage, en considérant dès lors ce qui se produit dans un autre contexte, celui d'"un cas de force majeure (!)", le traitement de ce qui reste néanmoins une relation sexuelle non consentie déclenche une réaction et entraîne un questionnement.

On peut se demander l'admissibilité de l'idée de volupté dans un acte imposé par la force. sergeDEFT ne fait-il pas appel là à un fantasme masculin (trop) répandu, une conception un peu facile et erronée, un cliché ? N'utilise-t-il pas un raccourci tenant plus de la "psychologie" de la pornographie que de la connaissance de la sexualité féminine ?

sergeDEFT : Non, non et non ! Je vais vous répondre vite avant d'être lynché. Il ne faut pas voir dans ce qui se passe dans cette chambre ce que vous évoquez. Je ne prône pas une théorie vaseuse selon laquelle la victime d'un abus prendrait du plaisir. Je ne fais pas une quelconque apologie du viol, je ne cherche surtout pas à dédramatiser sa portée dévastatrice, sa résonance. Et je ne dis pas ça pour "sauver ma peau". La dérive émotionnelle de la septuagénaire doit être interprétée comme une émancipation vis-à-vis de son mari et uniquement sous cet angle. Je vous rappelle que le sénateur et sa femme n'ont eu qu'une sexualité très "limitée", voire inexistante. Si tout commence par un acte barbare, elle "s'affranchit" avant tout de la frustration que lui a imposée son époux dans leur vie conjugale, par l'abstinence. Ce n'est pas la conséquence de l'agression, le fait d'être contrainte et forcée qui génère le plaisir d'Agathe. Il faut distinguer ce qui se passe dans la chambre de cet hôtel de ce qui se passe dans la tête de cette femme. Relisez. Je parle uniquement d'évasion.


... ET TOUS LES AUTRES

Annabelle, l'épouse de Jo (et sujet de fantasme pour Max) ;

le commandant de bord d'un avion survolant La Grande Cité à très basse altitude ;

les petits revendeurs de dope, postés à l'angle des rues ;

les toxicos ;

les prostituées et les travestis anonymes ;

les gogos en goguette ;

les pickpockets ;

Tape Dur, le portier du Tohu-Bohu ;

un prêcheur fou juché sur un escabeau pour haranguer les passants ;

J & J, les deux malabars chinois ;

la femme à la fenêtre (au destin tragique) ;

tous les gens des Quartiers Nord, les ombres sans visage du Maelström.


Mais aussi,

Bettina Patti Melba, la cantatrice, dans le hall du Palace ;

le milliardaire en fauteuil roulant et son infirmière particulière !!!!!


Tous les autres...


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